SCÈNE PREMIÈRE. Hélène, Don Diègue.
HÉLÈNE.
Mon Dieu ! Ne jurez point, ou véritable ou feinte,
Une noire tristesse en votre face est peinte.
DON DIÈGUE.
Étant auprès de vous, pourrais-je m'attrister ?
HÉLÈNE.
Contre la vérité voulez-vous contester ?
Mais ne saurais-je point le sujet qui vous fâche ?
DON DIÈGUE.
Ce qu'on ne peut celer, il faut bien qu'on le sache.
HÉLÈNE.
La flotte a-t-elle fait naufrage ?
DON DIÈGUE.
Elle est au port
Heureusement conduite, et si mon oncle est mort.
HÉLÈNE.
Qu'est-ce qui vous met en peine ?
DON DIÈGUE.
En cette lettre
Vous verrez un malheur capable de m'y mettre.
LETTRE.
MONSIEUR, etc.
Votre oncle Don Pelage a cassé en mourant le Testament qu'il avait fait en votre faveur, et a fait votre Cousin Don Pedro de Buffalos son héritier universel : Il ne vous laisse que trois cents Ducats de rente durant votre vie : j'ai fait ce que j'ai pu pour vous servir, je n'ai pu rien obtenir du vieillard, auprès de qui on vous a rendu sans doute de très mauvais offices : j'en suis au désespoir, et suis,
MONSIEUR, Votre très humble, et très obéissant serviteur George Rinaldi.
HÉLÈNE.
Vous avez grand sujet de n'être pas content,
Et trop de coeur pour vous affliger tant ;
Une âme généreuse, et qui n'est pas commune,
Est au-dessus des biens que donne la fortune.
DON DIÈGUE.
Pourvu qu'Hélène m'aime, et me veuille du bien,
Les malheurs les plus grands me touchent moins que rien,
Sa main mise en la mienne, ainsi que je l'espère ;
Car il n'est plus saison que sa bonté diffère
De m'accorder bientôt ce sensible bonheur,
Dont le retardement blesserait votre honneur :
Sa main, dis-je, donnée, et la mienne reçue,
Feront qu'en ses desseins la Fortune déçue
Me laissera jouir de ce bonheur parfait,
Sans me plus tourmenter, comme elle a toujours fait.
Ne différez donc plus ce bien incomparable,
Faites un homme heureux d'un homme misérable :
Achevez ma fortune en public dès demain,
Et recevant mon coeur, donnez-moi votre main.
HÉLÈNE.
Vous pressez un peu trop ce qu'on peut toujours faire,
Vouloir être mon Maître, est-ce vouloir me plaire ?
Vous m'aimez Don Diègue, au moins, ce dites-vous,
J'aime bien Don Diègue, et craint fort un époux :
Vous n'avez point de bien, j'aime fort la dépense,
Jugez par ce discours de tout ce que je pense.
DON DIÈGUE.
Vous refusez un bien si longtemps attendu ?
HÉLÈNE.
Osez-vous vous en plaindre, et vous était-il dû ?
DON DIÈGUE.
Ô que vous cachiez bien votre âme intéressée !
HÉLÈNE.
Ô qu'en vous épousant je serais insensée !
DON DIÈGUE.
Je ne le pouvais croire alors qu'on me l'apprit
Que vous aimiez le bien.
HÉLÈNE.
C'est avoir de l'esprit.
DON DIÈGUE.
Vous en avez beaucoup, mais bien plus d'avarice.
Ô que mon beau cousin frais venu de Galice
Serait bien votre fait, tout mal bâti qu'il est !
HÉLÈNE.
Vous pensez-vous railler ? S'il est riche, il me plaît.
DON DIÈGUE.
Et ne craignez-vous point de passer pour infâme ?
HÉLÈNE.
Non, mais je crains bien fort de me voir votre femme.
DON DIÈGUE.
Je me verrais venger par vous-même, de vous,
Si mon sot de Cousin devenait votre époux.
HÉLÈNE.
S'il n'est pas comme vous accablé de misère,
Et non pas comme vous d'une âme peu sincère,
Je ne le cèle point, je l'aimerai bien mieux
Qu'un incivil, un brave, un pauvre, un glorieux.
SCÈNE III. Filipin ou Don Pedro de Buffalos, Carmagnolle, Don Diègue, Hélène, Paquette.
FILIPIN.
Ha, pardon bel objet !
Je pensais bien encore faire un plus long trajet ;
J'ai traversé déjà deux salles et deux chambres.
Ce logis, Dieu me sauve, a quantité de membres :
Que dites-vous de moi, d'oser sans parasol
Visiter un soleil, c'est un acte de fol ?
Mais dans l'occasion je vais tête première :
Quitte pour me saucer un peu dans la Rivière :
En quittant vos beaux yeux, qui sont miroirs ardents.
Holà, je suis tout seul, Carmagnolle, mes gens,
Carmagnolle !
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Tiens-moi bien, je palpite !
Ô dangereuse vue ! Ô fatale visite !
Note: Aquilin(e) : Dans la comédie des Académiciens de Saint-Évremont, acte II, sc. 1, Chapelain dit, à propos d'une ode qu'il revoit et où il a placé le mot aquilin : "Aquilin ne vient pas fort souvent en usage ; Mais il convient au nez du plus parfait visage." Dans la 1re éd. (de 1650), le second vers porte : "Mais c'est un mot de l'art pour faire un beau visage". [L]Cousin où prends-tu donc l'aquiline valeur,
Qui fait que sans ciller, sans changer de couleur,
Sans baisser seulement à demi la paupière,
Note: Guigner : Regarder du coin de l'oeil. [L]Tu la guignes en aigle, une journée entière ?
Hélas ! Je ne la vois que depuis un moment,
Et je me sens déjà tout je ne sais comment :
Mais elle ne dit mot, me semble, cette belle,
J'aime les gens d'esprit, dis, Cousin, en a-t-elle ?
DON DIÈGUE.
Et du plus raffiné.
FILIPIN.
Je lui rendrai des soins.
HÉLÈNE.
Si je ne vous dis mot, je n'en pense pas moins.
FILIPIN.
Je ne prends pas aussi plaisir qu'on m'interrompe ;
Vous m'aimez n'est-ce pas ?
DON DIÈGUE.
Oui, si je ne me trompe.
HÉLÈNE.
Qui ne vous aimerait ?
FILIPIN.
Bon, elle le prend bien :
Ha, petite civette ! Ha chatte ! Ha petit chien !
Petit chien, ce mot-là pour femme est ridicule.
Ha, pardon ! Je voulais vous nommer canicule ;
Mais vous avez bon sens, et vous savez fort bien
Qu'on nomme également femelle et mâle un chien.
Ha, vous m'assassinez de certaines oeillades,
Qui ravissent les gens en les faisant malades.
Vos yeux m'ont inspiré de certains sentiments,
Qui sont fort opposés aux saints commandements.
Madame fermez-les, fermez-les ces paupières,
Ces assassins qui font enfler les cimetières.
Mais ne les fermez point, brûlez, je le veux bien,
Brûlez mon pauvre coeur, je n'y prétends plus rien :
Vous me gâtez l'esprit, ou la peste me tue,
Et ma pauvre raison de désirs combattue
M'oblige à vous parler en termes ambigus.
Ha, si j'avais cent yeux comme défunt Argus,
Ou si j'étais aveugle ainsi que Tirésie,
Ou si vous aviez pris assez de malvoisie,
Et mangé tant de pain, que Cérès et Bacchus
Vous pussent rendre enfin prenable par blocus,
Ou si je savais bien ce que je vous veux dire,
Ou si j'avais pouvoir de m'empêcher de rire,
Comme vous que je vois vos deux lèvres manger,
Tant vous avez eu peur de me désobliger !
Mais riez, bel objet, riez si bon vous semble,
Et pour vous enhardir, rions, ma belle, ensemble.
Ça je vais commencer, rions à l'unissons :
Mon Dieu que vous riez de mauvaise façon !
Note: Guenuche : Petite guenon. Fig. Femme petite et laide. (Dict. Littré)Hi, hi, hi, hi, hi, hi ; vous riez en guenuche,
Adorable beauté qui m'allez rendre cruche :
Je dis vos vérités, c'est mon plus grand regret.
Si je vous aimais moins, je serais plus discret :
Mais vous venez encor, assassinante oeillade,
Note: Estrade : Terme de guerre. Usité seulement en cette locution : Battre l'estrade, courir la campagne, aller à la découverte. [L]Malgré mes beaux discours sur moi battre l'estrade !
Note: Matras : Gros trait lancé par l'arbalète. [L], ici sens figuré ; les oeillades sont des flèches.Hé, trêve de matras, ils sont hors de saison,
Et parmi les chrétiens c'est une trahison.
Je vous le maintiendrai, merveille des merveilles !
Tout à l'heure en champ clos avec armes pareilles :
Mais vous délibérez, et tant délibérer
Sur un semblable cas, c'est me désespérer.
Hé bien, ma belle, hé bien suis-je en amour novice ?
C'est le style d'amour dont on use en Galice.
S'il n'est pas à la mode, il le faudra changer ;
Pour vous je ferai tout, jusqu'à me fustiger.
HÉLÈNE.
Je ne veux pas de vous une si rude épreuve.
FILIPIN.
Si vous me promettiez de n'être jamais veuve,
Quoique j'aie un regard de Caton le Censeur,
Nous autres Buffalos, savons tous un coup sûr
Note: Génératif : Qui a puissance d'engendrer. La vertu générative qui est dans les semences ne peut pas être connue par les hommes. (Dict. Furetière)Pour faire des enfants, et la générative
Dedans nous, fait la nique à la végétative :
Étant génératif plus que végétatif,
Il ne tiendra qu'à vous qu'un noeud copulatif,
En langage moins fin que l'on nomme hyménée,
Ne nous soigne tous deux, et dès cette journée.
HÉLÈNE.
Connaissons-nous devant, et ne nous pressons point.
FILIPIN.
Carmagnolle !
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Dégrafe mon pourpoint,
L'amour qui dans mon coeur chante ville gagnée
Excite en mon jabot exhalaison ignée.
HÉLÈNE.
Vraiment, mon Cavalier, ce terme de jabot
Note: On dit figurément, On l'a vu venir à Paris avec des sabots, en parlant d'un homme, qui d'une origine obscure, ou d'une extrême pauvreté, est parvenu à une fortune considérable. Il est du style familier. [Ac. 1762]Est un terme fort bas, et qui sent le sabot.
FILIPIN.
Un homme comme moi peut le mettre en usage :
Cousin, approuves-tu ce subit mariage ?
Dis, puis-je mieux choisir ? Peut-elle choisir mieux ?
DON DIÈGUE.
Vous montrez en cela que vous avez bons yeux :
Je prends congé de vous, Madame.
FILIPIN.
Et je demeure
Auprès de ce bel Ange.
DON DIÈGUE tout bas à Carmagnolle.
Elle est prise, ou je meure.
FILIPIN.
Carmagnolle !
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Qu'on me donne un fauteuil,
Note: Guerre à l'oeil : Fig. observer avec soin ce qui se fait afin de profiter des conjonctures. [L]D'où je puisse aisément faire la guerre à l'oeil
Sur ces tétons de lait, amoureuses collines ;
Ces deux mondes jumeaux, ces boules assassines,
Carmagnolle !
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Mon rabat est-il bien ?
CARMAGNOLLE.
Il est bien.
FILIPIN.
Et le reste ?
CARMAGNOLLE.
Il ne vous manque rien.
FILIPIN.
Carmagnolle.
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
J'en tiens, j'en ai dans l'âme.
Carmagnolle.
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Ne dis plus rien. Madame,
Que dites-vous de moi ?
HÉLÈNE.
Je dis que vous valez
Tout ce qu'on peut valoir.
FILIPIN.
Ha ! Vous me cajolez,
Note: Extravaguer : Dire ou faire quelque chose mal à propos, indiscretement et contre le bon sens, ou la suite du discours, ou la bienséance. Il y a des fous qui discourent bien quelque temps, à la fin on connaît qu'ils extravaguent. [F]Et moi je dis de vous que déjà j'extravague ;
Note: Naufrague : naufrage, modifié pour la rime.Enfin que ma raison auprès de vous naufrague.
HÉLÈNE.
Ce terme est fort nouveau.
FILIPIN.
Je parle élégamment,
Et non pas mon Cousin qui parle bassement ;
Écoutez, écoutez, je vais dire, merveilles,
Vous ravissez mes yeux, défendez vos oreilles,
Si le style est trop haut, je l'accommoderai
À votre connaissance, et l'humaniserai.
HÉLÈNE.
Vous me ferez plaisir, pourvu que je l'entende.
FILIPIN.
Moitié Zone Torride, et moitié Groenlande,
Qui Torride brûlez, Groenlande glacez,
Trêve de glace et de feu, c'est assez, c'est assez,
De vos regards doubles les forces agissantes
Font sur mon pauvre coeur impressions puissantes :
Mitigez-les, Madame, ou s'en faudra bien peu,
Si vous continuez, que je ne crie au feu.
Me voilà tantôt cuit, quoique aussi dur que roche,
En donnant seulement encor un tour de broche :
Et bien vous en riez ?
HÉLÈNE.
Tout autant que je puis.
FILIPIN.
Je divertis toujours les maisons où je suis,
Cependant qu'en rêvant mon esprit se repose
Carmagnolle !
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Raconte quelque chose
À Madame, fais-lui quelques contes plaisants,
Tels que tu m'en faisais durant mes jeunes ans :
Note: Coyonnerie : Lascheté, poltronnerie. Il a fait cent coyonneries, cent lâchetés, cent bassesses, pour parvenir au poste où il est. [F]Tu me dis quelquefois mille coyonneries,
Qui font crever de rire : et dans tes railleries
Tu réussis assez ; mais trêve du prochain,
Dis-lui que Don Diègue est pour mourir de faim.
Et qu'il a seulement pour sa mère, ma tante,
Pour ses soeurs et pour lui, trois cents Ducats de rente,
Qu'il ne peut disposer de ces trois cents Ducats,
Mais du seul usufruit, ce qui n'est pas grand cas ;
Qu'il a perdu ce bien pour mainte et mainte faute,
Qu'il pensait tout avoir, et contait sans son hôte,
Que pour avoir été par trop Vénérien,
Joueur, filou, hargneux ; en un mot un Vaurien.
Mon Oncle Don Pelage, ayant appris ces choses,
L'a frustré de son bien pour ces trop justes causes,
Que ce qu'il m'a laissé vaut en argent comptant
Trois cent mille Ducats.
CARMAGNOLLE.
Et les meubles autant.
HÉLÈNE.
Vraiment, mon Cavalier, vous êtes donc bien riche ?
FILIPIN.
Oui, ma belle, et sachez si vous n'êtes pas chiche
De ce que je ne veux recevoir que de vous,
Que tous mes biens seront en commun entre nous.
HÉLÈNE.
Refuser un bonheur alors qu'il se présente,
C'est n'avoir point d'esprit.
FILIPIN.
Ce discours me contente,
J'ai de plus un procès aussi clair que le jour,
Qui sera terminé bientôt en cette Cour,
Dont j'attends force bien, c'est une bonne affaire ;
Écoutez, et voyez si la chose est bien claire.
Mon grand-père, l'honneur de tous les Buffalos
Vendit certaine terre au Seigneur d'Avalos.
À quelque temps de là cette terre vendue
Deux cent mille écus, dont la somme était due
À mon oncle, de qui les enfants héritiers
S'opposant au décret seulement pour un tiers.
Ma tante mariée avec un Aquavive
Obtint contre l'arrêt sentence informative :
Note: Lignager : 1° Terme de jurisprudence. Celui qui est du même lignage. 2° Adj. Usité seulement dans cette locution : retrait lignager, action par laquelle un parent du côté du vendeur pouvait reprendre, dans un délai fixé et sauf remboursement, l'héritage vendu. [L]Par retrait lignager forme opposition,
Et reprend tout le bien ; mais par intrusion
La chose n'étant pas encore homologuée,
Je dis que la cutume est fort mal alléguée,
Et que j'y dois rentrer. J'ai su d'un Avocat
Que le procès pourtant était fort délicat ;
Mais j'ai de bons amis, et je sais la chicane,
Trouvez-vous cette affaire obscure ou diaphane ?
HÉLÈNE.
Je ne l'entends pas bien.
FILIPIN.
En bonne vérité
J'y trouve comme vous beaucoup d'obscurité,
Par mon Solliciteur je vous la ferai dire,
Carmagnolle !
CARMAGNOLLE.
Monsieur.
FILIPIN.
Approche, sais-tu lire ?
CARMAGNOLLE.
Oui, Monsieur.
FILIPIN.
Tu sais combien j'ai de magots ?
CARMAGNOLLE.
Trente.
FILIPIN.
Et de perroquets.
CARMAGNOLLE.
Autant.
FILIPIN.
Et de lingots ?
CARMAGNOLLE.
Je n'en sais pas le nombre.
FILIPIN.
Et l'escarboucle fine.
CARMAGNOLLE.
C'est un riche trésor, une pierre divine.
FILIPIN.
Mon Oncle la trouva chez Attabalippa,
Elle était à Ganac fils de Gainaccappa,
Qui se fit baptiser, et fut appelé George.
Foin, ces noms Indiens me font mal à la gorge ;
J'ai de fort beaux rubis dont je fais fort grand cas.
CARMAGNOLLE.
Et deux cents diamants.
FILIPIN.
Je ne m'en souviens pas.
CARMAGNOLLE.
Ni moi de ces rubis.
FILIPIN.
Ce chien de Carmagnolle
Se fâche bien souvent pour la moindre parole :
Mais je vais recevoir quatorze mille écus.
Adieu beaux yeux brillants, dont les miens sont vaincus,
Ne vous ennuyez point, belle en charmes fertile,
Que nous aurons d'enfants si vous n'êtes stérile !
En cas, cela s'entend, que je sois votre époux.
HÉLÈNE.
Cela pourrait bien être.
FILIPIN.
Il ne tiendra qu'à vous.
PAQUETTE.
Quoi vous voulez, Madame, après un Don Diègue
Note: Galègue : Natif, ou originaire, habitant de Galice en Espagne. [T]Choisir un Campagnard, et de plus, un Gallégue ?
HÉLÈNE.
Quand il est question d'établir mon repos
M'irai-je embarrasser d'un gueux mal à propos ?
PAQUETTE.
Un mari jeune et beau, vaut bien la bonne chère :
Le plaisir vaut l'argent, j'ai ouï dire à ma mère :
Lorsqu'à mes grandes soeurs elle faisait leçon,
Note: Jeune chair et vieux poisson : la chair des jeunes bêtes et celle des vieux poissons sont les meilleures. [L]Qu'il faut choisir toujours jeune chair, vieux poisson :
Dieu veuille avoir son âme, elle en savait bien d'autres.
Je me souviens qu'un jour disant ses patenôtres,
Elle vint à parler du plaisir de la chair,
Où repentir, dit-on, suis toujours le pécher.
HÉLÈNE.
Hé bien, que diras-tu ? Ne te veux-tu pas taire ?
PAQUETTE.
Alors que j'ai raison, j'ai bien peine à le faire :
Madame, encore un mot, puis après je me tais.
HÉLÈNE.
Dis en trois si tu veux, et puis me laisse en paix.
PAQUETTE.
J'accepte le parti ; savez-vous bien, Madame,
Note: Sur mon âme : Familièrement. expression affirmative, c'est-à-dire sur ma vie, mon honneur. [L]Que ce nouveau galant sentait l'ail, sur mon âme ?
HÉLÈNE.
Opulent comme il est, moi n'ayant point de bien,
Il est bien mieux mon fait, que quelque bon à rien :
Je l'aurai dans six mois, de bien fou, fait bien sage,
Et changerai bientôt sa mine et son langage.
PAQUETTE.
Et moi devant six mois je lui ferais porter...
HÉLÈNE.
Si je prends un bâton, je t'irai bien frotter.